La pierre noire de l'ego

Publié le 22 Janvier 2015

L'une des caractéristiques de l'ego, c'est qu'il a le chic pour nous faire passer à côté de la vie, de la vraie vie. A être centré sur soi, à se voir comme le personnage central du film de notre vie, retranché derrière nos peurs, nos désirs, nos problèmes, et tout ce qui fait de nous un "moi" autocentré, on en oublie le reste, l'autre, les autres. On ne les voit plus, et l'on passe à côté de notre vie, lentement, mais sûrement.

Dans l'article sur les rêves (ici), j'ai rapidement décrit la vision prémonitoire d'une rencontre, rencontre d'une femme en manteau blanc. J'ai effectivement rencontré cette femme, mais je ne l'ai pas reconnu de suite. Je revenais d'un déplacement professionnel. Je m'assois à la place réservée dans le train. A côté de moi se trouve une femme en tailleur noir. Nous nous regardons à peine, nous ignorons presque, comme la plupart des gens dans les transports en commun. Le train repart. Nous passons environ la moitié du trajet sans communiquer, puis un détail m'amène à lui adresser la parole. Elle sourit, et nous commençons à discuter. Lorsque je me suis assis, elle parcourait un livre sur le bouddhisme. Ce sera le point de départ d'une discussion autour du bouddhisme, des attentats de janvier et de l'ego. Elle me parle de ses voyages, de son métier, de ses rencontres, moi de même, avec comme point central notre rencontre avec le bouddhisme. Puis le train arrive à destination. Nous nous levons puis je la perds des yeux. En descendant du train, je la retrouve, nous faisons quelques pas ensemble et sur le quai de la gare, nous nous quittons. Un courant est passé. Mais je ne connais même pas son prénom et nous ne nous sommes pas laissés le moyen de nous recontacter. Ce n'est que le lendemain que je me souviens de cette vision quelques semaines plus tôt, vision que j'avais fini par mettre de côté. Et c'est en y repensant plus intensément que j'ai compris que la femme de cette vision, c'était elle. Elle avait effectivement un manteau blanc et un sac blanc. C'est ce qui s'appelle un acte manqué.

Il m'est impossible de dire si cette rencontre ne devait être qu'éphémère ou si ce devait être le point de départ d'une relation suivie, amicale ou plus. Sur le quai d'une gare, une femme mariée a-t-elle à donner son numéro à un homme pris lui aussi ? Difficile de donner à ce type de rencontre un simple caractère d'innocence, en se disant que ce qui nous a amené à nous rencontrer était certainement plus que le fruit du hasard. Notre discussion nous a amené à identifier plusieurs points communs, des sujets à approfondir, une recherche commune. Je ne vais pas mentir, elle me plaisait aussi beaucoup. Reconnaître le désir lorsqu'il se manifeste, l'observer et ne pas l'alimenter est le principe du bouddhisme. A un désir est rattaché un ego; c'est la raison pour laquelle le bouddhisme, en travaillant sur les désirs, finit par dissoudre l'ego qui y est rattaché. C'est sur la base de cet enseignement que j'en suis resté là ce jour-là et que je n'ai pas eu une attitude plus "entreprenante". Je ne peux m'empêcher de trouver cette rencontre troublante, compte tenu du contexte, et je ne peux m'empêcher de me dire que ce jour-là, j'ai du louper le coche... Peut-être est-ce que je fantasme aussi, allez savoir.

Quoi qu'il en soit, toutes ces années de pratiques et de rencontres m'amènent à un constat : je me retrouve plus que jamais au coeur de l'ego, centré sur ma petite personne, à regarder la vie défiler devant moi, voire même, à éviter qu'elle ne rentre en moi. Je prends conscience comme jamais à quel point cet ego est l'antithèse d'une vie spirituelle, il en est l'exact opposé. Il est le refus même de toute spiritualité, de toute ouverture, de tout changement. Il est l'impénétrable pierre noire et dense qui tient à distance le Divin. J'avais déjà remarqué depuis un moment que la Lumière divine n'agissait plus de façon aussi intense. C'est comme si elle m'avait cerné de toute part et qu'un repli stratégique m'amenait à me retrancher derrière des barricades, des murs épais au sein desquels on ne viendra pas me chercher. Comme si le fleuve divin était stoppé par cette pierre, bloqué à sa source. Plusieurs fois durant ces quinze dernières années j'ai entendu la Lumière me demander d'abdiquer. "Abdique !" m'empressait-Elle et me répétait-Elle, comme pour me faire comprendre que celui qui est aux commandes est un usurpateur, un faux roi, un roi auto proclamé et qu'Elle ne pouvait oeuvrer sans que ce roi ne cède la place. Dans l'oeuvre de transformation, l'ego doit forcément laisser la place, c'est évident de simplicité car la Lumière, le Vrai, l'Unité, ne peut cohabiter avec le faux, le séparé et le séparant, le faux dieu oeuvrant en permanence à sa propre continuité.

Il est tout à fait logique d'en arriver à ce stade. On est forcément confronté à soi-même, et à ce noeud tôt ou tard. J'avancerais qu'il y a au moins trois phases : une phase de préparation jusqu'à arriver au coeur même de l'ego, la phase de lâcher de l'ego, et la phase post ego. D'une façon ou d'une autre, on en arrive plus ou moins vite à cette seconde phase. La Lumière prépare le travail, rabote les contours en mettant en lumière ce à quoi il se rattache, ce à quoi il s'identifie ou ce qui le nourrit. J'ai décrit à de nombreuses reprises des combats avec des entités, des mises à jour de cristallisations, d'intégration de peurs, etc. Or, il arrive un moment où, pour avancer sur le chemin de transformation, il doit disparaître. Il paraît que c'est simple, il n'y a qu'à lâcher. Lorsqu'Elle arrive face au centre, et que ce centre résiste, qu'il continue de justifier son existence, alors la Lumière s'arrête, ou du moins temporise, car l'acte de soumission doit être posé par l'ego lui-même, ego qui doit s'en remettre au Coeur et à la Lumière. Cet acte de soumission, d'humilité face à la Lumière, est un acte d'intelligence, qu'intellectuellement j'ai compris depuis longtemps, mais que je n'arrive pas à appliquer. Alors je m'use, me cogne, je tourne en rond dans ma cage, j'espère, et parfois désespère de regarder le temps passer, le corps vieillir, l'énergie se dissiper. Les maîtres, les thérapeutes, les stages de ci ou de ça, à droite et à gauche n'y peuvent rien. D'ailleurs, j'ai tout arrêté, toutes les pratiques, les lectures ou les visites chez l'un ou l'autre. Même les cours avec le moine bouddhiste se sont aussi arrêtés. J'ai un beau diplôme de premier cycle en papier cartonné, attestant avoir suivi consciencieusement ce premier cycle d'enseignement. Ce moine a fait son oeuvre, les énergies intéressantes, mais il ne peut me conduire plus loin, car lui-même n'a pas fait le chemin. Et même s'il m'a donné les bases des enseignements de boddhisatva, il ne se sent lui-même pas légitime pour être un guide dans cette direction. Je n'en ressens même pas de frustration, cela apparaît comme une fin logique.

Donc aujourd'hui, c'est comme si une grosse page spirituelle était en train de se tourner. Ce qui est curieux, ou rigolo, selon le point de vue, ce qu'un médium et une astrologue m'ont prédit  un avenir des plus radieux, au service du monde... La Lumière, quant à elle, m'a dit qu'un jour je serai célèbre (sic !). Mais tout cela n'a aucun sens à mes yeux aujourd'hui. Plus rien ne m'appelle, plus rien n'a d'intérêt, sauf le silence. Cette poursuite acharnée, passionnelle parfois, en devient même risible. D'autres processus énergétiques, d'autres thérapeutes, d'autres maîtres ? Mais pourquoi faire ? De toutes façons, l'ego est tellement présent, tellement au premier plan, tellement central, que tant qu'il ne cède pas, je devrais dire, tant que JE ne cède pas, rien de véritablement transformant n'arrivera. A moins que Dieu en décide autrement, les voies du Seigneur étant impénétrables, mais ce serait encore nourrir un désir.

Alors, le coeur chauffe parfois, la douce chaleur de l'âme appelle à ce silence et à cet abandon. J'ai tout de même à dépasser une tendance à jeter le bébé avec l'eau du bain en envoyant tout bazarder. Il est certainement plus que temps d'abandonner tout "l'attirail du chercheur spirituel", voire même d'envoyer tout balader tellement je me sens pris d'un formidable ras-le-bol... Les vieux mécanismes cherchent encore à opérer : mécanisme de survie, mécanisme de lutte, de dépassement de soi jusqu'à la victoire... Mais cette étape ne doit pas être une victoire, ce serait encore une victoire de l'ego pour sa propre gratification. C'est au contraire la fin de la lutte, la fin de la survie, la fin d'un règne. Impossible d'en dire davantage...

Pour le moment, je préfère prendre un peu de distance et lâcher prise. Ce blog pourrait même s'arrêter avec cet article. Néanmoins le travail continue et cette nuit, j'ai eu la vision d'un masque qui s'enlevait de mon visage; résultat de la prise de conscience d'une croyance qui me "voilait la face". Combien de masques et d'armures va-t-il falloir enlever, combien de murs va-t-il falloir franchir, jusqu'où va-t-il falloir pousser la descente dans les profondeurs pour en arriver à lâcher ce centre pour que le travail de transformation se poursuive ? Faire tomber l'ego n'est pas seulement une nécessité au niveau personnel, c'est aussi une nécessité au niveau de l'humanité. Car cet ego nous amène à l'identification, donc à la séparation et de fil en aiguille, à l'extrême, la séparation nous fait tomber dans la violence. Si c'en était peut-être une obligation évolutive d'en passer par là, quoi que, il est vraiment temps de passer sur un autre plan d'existence. C'est la raison pour laquelle la Lumière divine intensifie Son travail, pour nous faire évoluer vers le Coeur, par le développement de l'âme.

La pierre noire de l'ego

Rédigé par Serge Zimmermann

Publié dans #experience energetique spirituelle

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