Publié le 20 Février 2016

A travers les terres infertiles

Je suis dans une période où j'ai l'impression d'avancer dans un désert. Je croyais voir l'horizon mais c'était un mirage. Le soleil qui luisait au loin a disparu derrière une autre montagne. Je suis à terre. Le poids de ce que la Lumière met à jour en ce moment pèse lourd sur mes jours et mes nuits qui s'étirent à n'en plus finir, rendant le corps gauche et pesant. Les perspectives d'un jour nouveau semblent s'être évaporées comme mes propres illusions. Le chemin de la transformation n'est pas l'affaire du moi, tous les repères sont brisés. Ce n'est pas la course en avant dans laquelle je m'étais engagée comme pour fuir ma propre humanité. Elle m'a ramené comme un élastique dans des profondeurs que je croyais illuminées. Mais c'était un mirage. J'ai beau savoir comment ça se passe, le savoir ne pèse rien face à la réalité. Quand il n'y a plus d'autre choix que regarder, lorsqu'il n'est plus d'autre chemin, lorsque les souffrances nous renvoient à un nous-même dont nous nous voilons la face en permanence, alors il faut accepter, puis lâcher, malgré toutes les résistances et quoi que ce mécanisme de survie qu'est l'ego peut nous suggérer. C'est curieux quand même, à quel point il a fallu aiguiser cet ego pour avoir une chance de survivre dans un monde aux angles si tranchants, et pourtant aujourd'hui, le système qu'il est apparaît comme une forteresse imprenable. C'est un outil que des dizaines d'années ont parfait, mais voilà qu'il me vole au visage comme un ami devenu ennemi. La Lumière me montre alors si incapable de me donner à l'Amour, quel que soit sa forme, et si diamétralement éloigné de l'Autre, quel qu'il soit. A trop avoir voulu me protéger, à trop avoir voulu paraître fort, à trop m'être battu, me voilà plongé dans une partie insensible et fermée car trop souffrante, un désert stérile. La Lumière m'a ouvert la poitrine pour m'arracher de cette pesanteur, mais la résistance était trop forte, car l'identification à cette souffrance est trop forte...

Alors je me pose et je regarde en arrière, pour faire le point sur le chemin parcouru et sur ses implications. Non pas qu'il soit significatif de ce que vivent les autres personnes engagées sur ce chemin de transformation intérieure par l'alchimie christique et divine, mais davantage pour rendre compte de ce à quoi l'on doit faire face quand on y est engagé "corps et âme".

Quand j'ai compris que ce processus d'alchimie intérieure était ce pour quoi j'étais sur Terre, cela a donné un sens à toutes mes expériences passées, même si cela n'en a pas facilité le chemin pour autant. Et il n'est pas facile ce chemin ! Car même si on se libère du mensonge, même si lâcher le chaos qui nous apparaît est libérateur, il faut le regarder en face, et cela nous amène à nous découvrir sous un jour qui brise l'image que l'on peut se faire de soi. Par extension, l'autre nous apparaît progressivement dans sa réalité. Finis alors les illusions, les croyances et les idéaux. Car des horreurs, on en voit, même s'il n'y a évidemment pas que cela. La nature humaine nous est montrée sous de multiples aspects, et la conscience qui s'éclaircit à chaque libération ou intégration nous plonge dans les profondeurs toujours plus abyssales de cette humanité si irrationnelle, tordue et compliquée. Ce n'est pas un chemin en ligne droite : souvent en zig zag, parfois en spirale. Et c'est comme cela que je me retrouve dans cet état particulier dont j'ai la douloureuse sensation qu'il m'engloutit, comme si je n'avais fait que régresser.

Mais parfois aussi c'est cette nature qui nous submerge. Combien de fois n'ai-je pas pu retenir l'expression rageuse ou haineuse d'une entité qui agissait à l'arrière plan, juste avant de m'en voir débarrassé. Mais trop tard, le mal était fait. D'où la nécessité de l'humilité et du pardon, car ce chemin nous montre que nous ne sommes pas meilleur qu'un autre, que nous n'en connaissons pas davantage, même si les horizons s'ouvrent et que le coeur nous porte à partager. Notre coeur s'ouvre, mais combien de coeurs que nous côtoyons tous les jours sont fermés ? Il faut parfois ravaler la tristesse de voir l'être aimé être aussi peu sensible et souvent distant, enfermé elle aussi dans ses propres murs, dans sa propre prison. Que de fois ai-je du me résoudre à rester silencieux et aimant lorsque de l'autre sort une flèche m'atteignant dans le coeur, même sous des aspects anodins. Or rien n'est anodin quand on perçoit les mécanismes, les énergies et les entités qui agissent à l'arrière plan. Il faut faire preuve d'un amour dont il faut aller chercher les ressources dans ce que l'on a de plus profond, pour comprendre que ce n'est pas forcément à soi que la flèche s'adresse, mais juste à une image que l'autre se fait de nous. Encore faut-il que la flèche ne rentre pas dans une blessure déjà ouverte, ou pas encore refermée. Encore faut-il avoir ces ressources. Ou alors il faut s'armer de patience pour faire comprendre que nous ne sommes pas l'image que l'autre se fait de nous, qui n'est qu'une projection de ce qu'elle veut voir, aussi flatteur cela soit-il. Combien de fois également n'ai-je pas été déçu de constater la superficialité des sentiments, faisant écho à la profondeur des miens. Mais l'inverse est vrai également. Le mensonge que l'on se construit n'a d'égal que notre incapacité à aimer, à aimer vraiment.

Et que dire de notre relation au monde, de notre vie dans ce monde si irrationnel et au bord du gouffre ? Combien de fois ne suis-je pas obligé de constater la distance astronomique que l'homme met face à son prochain et face au Créateur, qui Lui, nous est si proche ? Combien de fois ai-je pu constater la noirceur des coeurs derrière l'apparente profondeur d'une bonté ? Oh, tout n'est pas noir ou déformé, quelques lueurs émergent lorsque l'autre fait preuve de sincérité, de bonté, d'honnêteté, de joie ou de vérité, lueurs trop rares dans ce monde où le nombre fait que nous sommes davantage enfouis dans une masse compacte d'obscurité, dans laquelle le potentiel de lumière devient si ténu qu'on peut se demander s'il émergera un jour.

Malgré cela il faut poursuivre, avancer. Lorsque l'on a vu le faux, on ne peut pas y revenir. Lorsque l'on vit l'ouverture, on ne peut pas retourner dans la fermeture. Lorsque l'on s'est accepté, on ne peut pas se replier dans le déni. Les structures qui composent notre personnalité sautent les unes après les autres, ce qui fait disparaître les filtres entre soi et le Réel, et approfondit notre sensibilité, mais cela nous confronte à des profondeurs toujours plus oppressantes. Alors des choix sont nécessaires, nous obligeant parfois à fonctionner différemment du reste du monde. Là où la "logique" du monde ou les idées préconçues sont émises sans réfléchir, la Lumière nous demande de la créativité, de l'intelligence et surtout, de rester aligné sur le Coeur, de garder le cap, quoi qu'il en soit, pour qu'Elle puisse continuer de plonger dans ce tunnel sombre et profond qu'est la nature humaine, de laquelle l'esprit engourdi et quasi inerte s'exprime le plus souvent. Oui c'est difficile, car même si l'on peut parfois sentir cette "légèreté de l'Être", même si notre relation au monde devient de plus en plus vertueuse et simple, le monde, lui, ne l'entend pas de la même oreille et cherche en permanence à nous rattraper, quand ce ne sont pas des énergies plus subtiles qui s'immiscent là où la Lumière n'est pas encore allée et qui s'allient avec nos insuffisances pour essayer de nous faire tomber. Le chemin de l'alchimie intérieure est un combat silencieux que le monde ne comprend pas, où toutes nos sensations sont exacerbées et il faut se résoudre à ne pas trouver d'appui extérieur, ce qui parfois est frustrant et difficile. On ne peut plus s'accrocher à rien.

Parfois j'ai eu envie d'arrêter, ou au moins de me reposer. D'autres fois la pression des énergies est si forte que le moi implore, pleure et finit par succomber à la force qui creuse. Parfois les entités jettent leurs dernières forces dans la résistance à la Lumière à tel point que le comportement devient incohérent, presque hors norme aux yeux du monde, que ce soit l'espace de quelques instants ou sur un terme plus long. Il faut apprendre à laisser passer, même si ça s'étale sur une durée qui semble ne jamais finir. Les conditionnements sautent eux aussi et nous constatons que nous sommes souvent notre propre prisonnier et notre propre censeur. Les douleurs sont parfois si intenses qu'elles en deviennent physiques. Certaines entités sont hurlantes, à tel point qu'une fois le bruit interne était si fort que je n'entendais plus l'extérieur, puis, une fois arrachée, le silence est apparu comme une libération. D'autres sont rageuses, agressives, perverses le plus souvent. Elles se nourrissent de nos énergies, de la vie qui est en nous et dont l'humain est en partie dépositaire. Combien de fois, à cause de cette nature vitale blessée et à fleur de peau, n'ai-je pas vécu de terribles noeuds à l'estomac ou aux intestins, parfois pendant des semaines, avant un coup de grâce libérateur, guérisseur et harmonisant. Combien de fois ne me suis-je pas fait prendre à réagir, à faire ressortir de l'agressivité latente ou des paroles blessantes après de multiples nuits blanches, à cause de ces combats psychiques épuisants dans lesquels le moi est un jouet. C'est en cela que l'adage dit que notre pire ennemi est nous-même. Seul celui qui fait ce chemin peut comprendre.

Ces descriptions peuvent apparaître négatives et peut-être rebuter l'aspirant, mais il faut bien prendre conscience que parcourir à l'envers le chemin que les milliers de générations qui nous ont précédées depuis le choix d'Adam ont creusé en s'éloignant de Dieu ne se fait pas par un claquement de doigt et sans faire de nombreux efforts de discipline, de compréhension, de lucidité, de courage, de perspicacité,...et d'humilité. En l'état actuel de notre dégénérescence spirituelle, il nous faut développer une force d'âme qui puisse contrecarrer l'inertie lourde dans laquelle nous sommes entraînés. Je ne noircis pas le tableau, je fais juste le constat de la somme d'obscurité que nous devons affronter en nous puis autour de nous pour avoir la chance un jour de voir la Lumière émerger de l'obscurité. Et ce n'est pas à l'extérieur que la conquête se fait, c'est à l'intérieur, dans ces profondeurs si prégnantes et oppressantes qui se trouvent au fond de nous. C'est un chemin qui se fait dans la lenteur et la patience, et à chaque fois que l'on tombe, on doit se redresser et avancer de nouveau, pour éviter de se faire submerger. Car si tout n'est pas fait, rien n'est fait. On ne peut pas s'arrêter en chemin. Il faut marcher longtemps sur le sol brûlé de nos terres infertiles pour espérer voir la première oasis. C'est un chemin d'un monde vers un autre, du moi à l'Être.

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Rédigé par Serge Z.

Publié dans #experience energetique spirituelle

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