Publié le 12 Mai 2018

Le lâcher prise

J'expliquais à un ami récemment que face au Divin, nous n'avions jamais raison, malgré nos arguments ou comportements qui pouvaient nous apparaître comme tenant debout, élaborés, construits, structurés, etc, et ce lorsqu'ils sont soumis à notre mental et à notre intelligence, dont je rappelle une nouvelle fois qu'elle est jugée être "un faible lumignon" par Dieu dans la Révélation d'Arès. Ce qui veut dire que nous devons "lâcher prise" de ce qui veut garder le contrôle ou de ce qui veut avoir la "vérité", cette "vérité" que l'on croit détenir et que l'on veut souvent imposer à l'autre, de gré ou de force. Cette notion de lâcher prise, qui est tombée dans le langage courant, n'est pas vraiment le fait d'une spiritualité, même si on peut y trouver quelque correspondance dans le Bouddhisme. C'est un terme plutôt issu du développement personnel que l'on sert souvent à toutes les sauces. Néanmoins, puisque c'est là, essayons tout de même de voir comment cela peut se traduire dans notre transformation intégrale, dans différentes situations prises en exemple et également, ce que ça n'est pas.

Avant toute chose, lâcher prise ne signifie pas fuir l'existence ou lui tourner le dos. Ce n'est pas non plus synonyme de lâcher nos responsabilités ou de fonctionner sur un mode sans discipline, organisation ou structure. J'ai connu une mère de famille qui voulait "lâcher prise sur les courses et vivre chaque instant en pleine conscience". Résultat, au bout de 3 jours, plus rien ni dans le frigo ni dans les placards, le mari qui commençait à s'agacer et les enfants complètement déboussolés par cette attitude soudain incompréhensible pour eux, qui tombait en plus comme un couperet. Cela parce que notre professeur de méditation commun lui avait conseillé de "lâcher prise" sur son rôle de mère au foyer pour vivre "l'ici et maintenant", sans se prendre la tête à se projeter dans l'avenir... Comme quoi une directive mal-à-propos d'un côté et mal comprise de l'autre côté peut amener à des situations surprenantes voire improbables. Bon, celle-là est plutôt cocasse et n'a pas prêté à conséquence. D'autres peuvent être carrément dramatiques, il faut donc vraiment du discernement avant d'appliquer une consigne de ce genre.

Je fais une petite digression, ou un rappel pour les lecteurs de ce blog. La spiritualité que je vis est fonctionnelle, c'est-à-dire qu'elle s'applique à ce monde, évidemment dans une optique de transcendance tout de même. Toute consigne ou fonctionnement qui ne pourrait pas correspondre aux situations de vie qui sont les nôtres, que ce soit dans les sphères intime, familiale, personnelle, professionnelle, extra professionnelle ou autres, doit obligatoirement être soumise à discernement. Par exemple, il est évident que je ne ferai plus de sport agressif comme auparavant, tout comme j'ai abandonné des connaissances toxiques, j'ai donc réajusté ma vie en conséquence. Mais si quelqu'un me demandait, pour quelque raison que ce soit, de laisser tomber ma vie de couple ou mes enfants, ce ne serait pas envisageable. C'est un peu pour cela que j'ai laissé tomber les enseignements du bouddhisme par exemple. Non pas que le bouddhisme prône d'emblée ce genre de choses, mais plutôt parce que je trouvais que les consignes qui m'étaient données ne tenaient pas compte de ma situation. Donc attention à la notion de "lâcher prise", qui peut être un abandon de quelque chose d'intérieur certes, mais pas une démission de notre responsabilité d'être humain. Ce que je veux dire par là, c'est que je fais mes courses ou toutes les tâches de la vie quotidienne de la même façon que n'importe qui, mais comme je le préconise plus bas, j'y mets à la fois de la présence et de la conscience. Et ainsi, chaque situation devient méditation. C'est ainsi que l'on peut vivre une spiritualité au quotidien, sans pour autant sortir de ce monde, même si parfois il est nécessaire de prendre un peu de recul.

Le lâcher prise, ce n'est pas non plus le laisser aller. On peut être confronté par exemple à une situation professionnelle difficile, j'ai témoigné d'une situation de ce genre dans ce blog. Si on laisse aller, on remet notre vie entre les mains d'un tiers. Sous prétexte de lâcher prise des émotions ou réactions négatives, on peut en venir à ne pas lutter et à se laisser dominer. J'ai déjà vu ça aussi. Des personnes comme celle-là quittent parfois leur job, en retrouvent un autre et retombent sur le même genre de situation tôt ou tard. Et quand on pousse le bouchon plus loin, on peut en arriver à la conclusion que nous ne sommes pas faits pour ce monde, ou que ce monde n'est pas fait pour nous, et on prend par exemple la décision de devenir moine ou nonne et de partir dans un paradis artificiel. Attention dans ces cas-là à une forme d'ego spirituel qui peut se cacher en arrière plan. Il n'y a pas ceux qui suivent un chemin spirituel d'un côté, et les autres d'un autre côté. On n'est pas meilleur ou supérieur non plus parce qu'on décide de méditer ou de faire ce qu'il faut sur soi. Il y a parfois un certain snobisme ou une suffisance dans les groupes spirituels qui flattent l'ego certes, mais qui ne sont absolument pas justes.

La mère de famille dont je parle plus haut avait la tête pleine d'idées en tout genre, qu'elle jugeait futiles et pas en phase avec le chemin spirituel qu'elle s'était donné de parcourir. En fait, elle n'était tout simplement pas suffisamment organisée pour structurer sa journée de façon à ce qu'elle puisse faire de courtes méditations de temps en temps. Pour l'histoire des courses, et pour qu'elle puisse vivre "l'ici et maintenant", tout en faisant en sorte de contenter sa famille, je lui ai conseillé quelques méthodes simples d'organisation du temps pour qu'elle puisse se donner à ses tâches; par exemple lorsqu'elle fait sa liste de courses, elle prend peut-être 15 minutes mais elle y est présente et ne fait que cela, et s'applique méthodiquement à parcourir les placards pour établir sa liste. Une fois ceci fait, si elle a envie de se poser 15 minutes pour se centrer, il suffit qu'elle s'autorise cette pause, pour ensuite peut-être reprendre une autre tâche, toujours en s'y donnant entièrement. Une autre personne de ma connaissance travaillait énormément, jusque très tard le soir et voulait "lâcher prise" sur son travail pour prendre davantage de temps pour méditer. Mais il n'arrivait pas à lâcher le mental et toutes les préparations d'activités qu'il envisageait à ses heures perdues. Pour se recentrer, je lui conseillais de se programmer un bip ponctuel sur son smartphone pour s'arrêter quelques secondes dans la journée et ainsi se recentrer. Le soir, je lui demandais de prendre quelques minutes à rester assis dans son canapé, sans la TV évidemment, téléphone éteint, pour simplement fermer les yeux et revenir à soi. Car on ne passe pas d'une vie hyperactive à des séances de méditation d'une heure sans étapes intermédiaires. Pour "casser le rythme effréné du quotidien"; il faut aussi s'en donner les moyens. Car il est facile de commencer et de se donner de bonnes intentions, mais il est bien plus difficile de s'y tenir, d'autant que la vie alentour, elle, ne va pas forcément nous laisser tranquille. Donc "lâcher prise", c'est aussi une décision intérieure, plus qu'une intention. Et c'est une discipline que l'on se donne, sans toutefois en faire une règle rigide. Mais en trouvant les trucs qui nous conviennent, ces espaces de pause vont nous être bénéfiques, puis nécessaires. C'est alors que d'une décision initiale, on passe à un processus intégré et à une façon différente d'appréhender l'existence.

Quand son disciple demandait à ce maître zen comment vivre, il répondait : quand je mange, je mange, quand je dors, je dors. Je pourrai ajouter : quand je fais ma liste de courses, je fais ma liste de courses. Et ainsi de suite. J'ai un peu l'impression d'enfoncer une porte ouverte en expliquant cela mais, d'une façon générale, on n'est souvent assez peu présent à ce que l'on fait et à ce que l'on est. C'est de cette façon que l'on crée des tensions : comme dans pas mal de situations, on n'a pas envie d'être là et de faire ce que l'on fait, eh bien on le fait souvent en se projetant mentalement dans une autre situation. Ou alors une émotion est révélée, et cette émotion génère une réaction. Et cette réaction nous entraîne à dire ou faire des choses qui nous dépassent. Et voilà que nous sommes alors entraîné dans une situation qui à son tour nous échappe, ce qui génère une autre réaction et le cycle continue. Le "lâcher prise", ici, nécessite observation et vigilance pour traquer la réaction pour ne pas qu'elle s'extériorise. En étant centré sur la respiration, ou sur le coeur, il est ainsi possible de ne pas se laisser entraîner par les réactions pour apprendre à les laisser passer, sans générer plus de chaos qu'il ne peut déjà y en avoir. On "lâche prise" sur la réaction, pour ensuite se donner les moyens de faire émerger l'émotion racine, par le travail idoine.

En agissant de cette façon, par la présence, l'observation et la vigilance, on peut remonter jusqu'à la source de tous nos comportements, ce qui signifie finalement "lâcher prise" sur l'ego. Dans la transformation intégrale, et lorsque la lumière divine oeuvre en nous, il n'y a que lorsque l'on est prêt à s'en remettre intégralement au Divin qu'Il nous aide à nous libérer de nous-même. Encore faut-il savoir lâcher, car plus les racines de nos comportements sont profondes, plus elles sont structurantes, et moins elles sont faciles à lâcher car on y est profondément identifié. Alors soit à un moment donné, on vit comme une opération chirurgicale, c'est-à-dire que la lumière va accélérer le processus d'abandon en coupant les liens, soit, si ceux-ci sont encore trop forts et l'aspiration pas suffisante, elle va nous amener à lâcher par petites touches successives. En conclusion, on voit bien que le "lâcher prise" peut être interprété de multiples manières, mais il faut faire très attention à lui donner la bonne signification pour ne pas partir dans des erreurs qui peuvent nous faire perdre une précieuse énergie. D'autre part, dans notre transformation intérieure, il est impératif d'être très précis lorsque l'on travaille sur soi. Les mots peuvent être trompeurs, et des notions mal comprises peuvent nous emmener sur de fausses routes.

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Rédigé par Serge Z.

Publié dans #connaissance de soi

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